C’était une belle journée du mois de juin 2014. Je revenais d’un entretien d’embauche plutôt réussi. J’avais la patate donc.
Mon amie Sihem Souid m’appelle pour que je l’accompagne à l’enregistrement de l’émission des Zinformés de Beur FM.
J’accepte. Mais c’est parce que j’ignorais ce qui m’attendait.
A peine arrivée, on nous couvre toutes les deux d’une burqa. Puis on nous sépare.
J’ai peur.
Puis, on m’entraîne dans des sanitaires. Le sol est maculé de sang. Au fond de la pièce, je trouve le réalisateur de l’émission qui tient un mouton fraîchement égorgé. Il me dit :
Tu restes ici et tu prépares le couscous, ispice di counnasse !
Je panique. Puis je me rappelle que j’aurais dû écouter ma maman qui a tenté de m’inculquer l’art de la préparation du couscous. Sauf que moi, j’aime pas ça le couscous, ça fait mal au ventre.
Puis je me résigne. Je m’exécute. Et j’accepte le fait que plus jamais je ne boirai de bière, je ne fumerai de cigarette et je ne mettrai de mini-jupe.
J’étais une fille du péché. C’est fini désormais. Je vais m’en remettre à Dieu et espérer qu’il me donne un mari pour qui je pourrai préparer du couscous jusqu’à la fin de mes jours. Inchallah je pourrai appeler mon fils Djihad.
Bon. On arrête le délire.
La vérité, c’est qu’à Beur FM, on est blanc, noir, arabe ou autre. On est juif, musulman, chrétien, athée ou autre. On mange ce qu’on veut, couscous ou hallouf. On boit aussi ce qu’on veut, avec ou sans alcool. On s’habille comme on veut, barbe, hidjab ou mini-jupe. Et même qu’on dit ce qu’on veut, du moment qu’on ne ment pas ou qu’on ne tient pas de propos haineux.
Les Zinformés, c’est une émission où l’on rit et où l’on pousse ses coups de gueule. Parfois, le débat s’échauffe. Et le débat est tellement sincère et spontané, qu’il arrive qu’un chroniqueur ait une réaction épidermique.
Et c’est ce qui rend l’émission intéressante, car ici, on est loin des idées formatées et préconçues, qui retirent toute forme d’humanité au débat.
Alors, oui, depuis que je suis régulièrement les intervenants de cette émission, il y a des gens qui disent que je me suis « radicalisée ».
Si se radicaliser, c’est être plus ouvert d’esprit et plus tolérant aux idées qui ne sont pas les miennes, affiner mes convictions, alors je plaide coupable. Et j’assume la sentence qui me sera octroyée.