Lorsqu’une agression sexuelle est commise, et qu’on en a connaissance (que l’on soit témoin de l’agression ou que l’on soit un.e confident.e de la victime), on est souvent indigné.e, mais on est rarement au courant de ce qui se passe dans la tête de la victime. Pour être coutumière du fait, je vais tenter de vous expliquer brièvement ce que j’ai déjà pu ressentir, et vous verrez que c’est extrêmement complexe.
Lorsque c’est commis dans la rue par un inconnu, c’est souvent par surprise. La première émotion ressentie est donc celle du choc. Ce choc paralyse, et rend la réaction de défense impossible. Alors on continue son bout de chemin, et on fait comme si de rien n’était. Sauf qu’on se leurre. Car les questionnements et le sentiment de honte, de culpabilité arrivent dans la foulée. Étais-je trop dévêtue ? Étais-je maquillée de manière provocante ? Ai-je envoyé des signaux à cette personne pour qu’elle s’octroie le droit de me toucher ? On se dit toujours que c’est à nous d’être plus prudentes, mais JAMAIS que c’est aux autres de ne pas nous toucher. On intériorise. On culpabilise. Puis on s’auto-censure. On ne porte plus les vêtements que l’on aime. On se sent trop vulnérable, sinon. On évite les lieux où l’on s’est fait agresser. Car quand on se fait agresser dans un quartier chic en plein jour, on associe ce lieu au mauvais souvenir de l’agression.
Puis, lorsque ça recommence dans un autre lieu, avec une autre personne, on finit par être en colère. On a envie de se défendre, de s’armer, de donner des coups en échange de ce contact intempestif et surtout indésirable. Puis on réalise très rapidement, que se défendre violemment risque de se retourner contre nous, car nous vivons dans une société patriarcale qui ne prend pas en compte le rapport de forces défavorable aux femmes et personnes assignées comme telles. Même si on ne culpabilise plus, qu’on se croit au-dessus, qu’on se croit plus forte, on demeure paralysée par ce dilemme : ne rien faire et ronger son frein, ou se défendre et risquer une plainte pour coups et blessures, ou de se prendre soi-même des coups ?
Alors, on finit par se résigner, car on se sent impuissante. On se dit qu’il faut apprendre à vivre avec, laisser couler, ignorer ces violences répétées, se dire qu’on vaut mieux que ça, et qu’on n’a pas de temps à perdre avec des émotions négatives.
Sauf que c’est impossible, en fait. Les émotions ne s’en vont pas toutes seules. Elles restent, et de manière irréversible. Elles font remonter d’autres sentiments malsains, des pensées négatives qu’on croyait réglées. Elles détruisent le peu de bonnes choses qui nous arrivent. Et surtout, elles font naître des pulsions que l’on ne soupçonnait pas, et qui parfois nous effraient encore plus que la crainte d’être agressée sexuellement à nouveau dans la rue.
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