Régulièrement, des personnes qui organisent des événements militants tendent des micros et mettent sous le feu des projecteurs des personnes qui y sont déjà très (pour ne pas dire trop) habituées, dans le but de rameuter la plus grande foule possible. Cette pratique est de plus en plus problématique, et ce, pour plusieurs raisons.
Parce que l’objectif prioritaire de ce type d’événements c’est de connecter des personnes ordinaires…
….et que ce sont CES personnes qui doivent être mises à l’honneur et à qui on tend les micros. Quand on n’a pas le privilège d’avoir une audience dans les médias, ces événements sont souvent les seuls espaces d’expression libre, et il est primordial que ces espaces ne soient pas réduits, voire carrément confisqués, par des personnes qui en ont déjà beaucoup. Connecter des personnes ordinaires donne de la force, construit des réseaux collectifs qui ont plus de chance d’être durables et solides, et cela devient difficile à obtenir lorsque seul.e.s quelques individus monopolisent la parole.
Parce qu’il y a un risque non négligeable que l’événement soit récupéré et serve de tremplin publicitaire ou de caution politique pour la personne que l’on invite…
…et que, encore une fois, ce n’est pas du tout le but. C’est même parfois nuisible, surtout quand ça permet à certaines personnes de se laver les mains de leurs responsabilités (exemple : un.e responsable d’organisation invité.e dans un événement féministe mais qui cautionne/ferme les yeux/est coupable de sexisme au sein de sa propre organisation).
Parce que c’est aussi entretenir le culte de la personnalité envers ces personnes…
…et que ce culte n’a jamais aidé à l’accomplissement de luttes collectives, mais a souvent contribué à de nombreux abus de pouvoir où des gens s’enrichissent et se renforcent sur le dos des autres.
Parce qu’entretenir ce culte de la personnalité, c’est donner du pouvoir inutile à des personnes qui en ont déjà (parfois trop)…
…et que confier trop de pouvoirs à une personne, c’est dangereux, et on le sait, l’Histoire et l’actualité le prouvent quotidiennement. Et qu’une personne qui est déjà coutumière du fait d’abuser de son pouvoir le fait en toute confiance, et parfois inconsciemment, car elle sait qu’elle ne sera jamais dénoncée ou attaquée.
Parce qu’on rend invisibles les personnes qui donnent de leur énergie et de leur personne dans des projets où il y a des événements militants et quotidiennement dans leur engagement…
…alors que ce sont elles qui font tout le boulot, y compris les tâches les plus pénibles. Et que souvent ce sont des personnes ordinaires, voire moins privilégiées que les autres, et qu’on se permet plus avec ces personnes que l’on ne se permet avec des gens plus influents.
Parce que c’est envoyer le message inconscient que même dans nos organisations militantes, il y a des vies/personnes qui valent mieux que d’autres…
…et qu’ainsi on reproduit inconsciemment ce que l’on dénonce. Et que d’une certaine manière, penser qu’on rameute plus de gens quand on invite un « gros poisson », c’est un peu insultant pour les personnes qui apprécient sincèrement ce type d’événements. Il ne s’agit pas ici de « purisme » militant où tout espace se doit d’être parfaitement « safe » (on a déjà vu ici que c’était une arnaque), mais d’améliorer ses pratiques en termes d’efficacité, et de viser un travail collectif sur le plus long terme.
Heureusement, certaines organisations prennent le pli de donner la parole à un maximum de profils divers, et se spécialisent même dans cette fonction comme le fait l’association Ghett’up (article non sponsorisé) qui donne l’exemple.
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