Il aura fallu que des scientifiques tirent la sonnette d’alarme sur l’état de la planète pour qu’une prise de conscience globale se fasse. S’il est essentiel que ce constat se fasse, je remarque cependant que l’étalage de son éco-anxiété pour faire culpabiliser les autres est plus répandu que le questionnement sur les origines de la surconsommation. Petite mise au point ici.
- Le vrai problème du Black Friday, ce n’est pas que des gens achètent pour se faire plaisir ou par besoin, mais que les promotions soient truquées
La priorité devrait donc logiquement être de dénoncer les arnaques, et non de dénigrer des comportements individuels, surtout lorsque pour certains ménages, les promotions permettent d’accéder au minimum vital. Il est donc indécent de donner ce type d’injonctions lorsqu’on est à l’abri du besoin.
- Le marketing et les promotions, c’est toute l’année, et PERSONNE n’y échappe
Les investissements en marketing dans n’importe quel secteur de consommation sont considérables, et ce n’est pas pour rien. D’ailleurs, le marketing le plus redoutable est celui qu’on ne perçoit pas. Ce n’est donc pas les (vraies) bonnes affaires sur la base de calculs rigoureux (et honnêtes) dont il faut se méfier, mais de la disposition dans les magasins (merchandising et e-merchandising), des couleurs utilisées qui jouent sur vos sens et votre subconscient, ainsi que toutes les autres techniques sensorielles (distribution d’échantillons gratuits pour vous rendre accro à des produits, les stands temporaires où vous pouvez tester, goûter ou toucher des produits, les slogans répétitifs martelés à longueur de journée, le marketing d’influence qui vous permet de vous identifier au produit…). Personne n’est imperméable à ces techniques, et à moins de fermer les yeux dans tous les espaces publics, ne pas avoir d’ouïe, de nerfs, de papilles ou d’odorat, nous n’échappons à aucune d’entre elles, quand bien même nous aurions conscience de ces manipulations.
- C’est la frustration qui engendre la surconsommation et non l’inverse
Et c’est parce que ces techniques sournoises de marketing jouent sur notre cerveau reptilien que nous sommes tentés par des achats. Appeler au boycott de la consommation, est non seulement absurde, mais aussi complètement contre-productif ; s’empêcher de faire des achats de première nécessité et/ou qui font plaisir, c’est prendre le risque d’encourager l’obsession pour les possessions matérielles. S’empêcher de consommer sous prétexte qu’il y a un événement promotionnel, c’est, en réalité, repousser la consommation à plus tard….quitte à abuser et à gaspiller son argent.
- La consommation dite « responsable » n’existe pas et le business du bio-écolo-zéro déchet-minimalisme n’est pas exempt de marketing et de publicité
Pourquoi la sur-consommation (non éthique) d’avocats, de noix de cajou, de cacao et de café n’est-elle pas autant remise en question que la consommation de masse (où on cible les ménages les plus pauvres) ? Pourquoi personne ne dénonce le fait qu’on nous pousse à jeter les anciennes voitures pour en acheter de nouvelles « plus propres »? Il ne s’agit pas de se dédouaner de ses responsabilités individuelles, mais bien de démontrer que le marché de la consommation éthique est soumis aux mêmes règles économiques que celui de la consommation classique.
Pour finir, il apparaît clairement que la critique du capitalisme ne peut se faire sans un décryptage précis des méthodes de marketing responsables de la surconsommation. Pour élargir ce questionnement, il est également nécessaire de réfléchir aux disparités des modes de consommation entre les pays du Nord et les pays du Sud, et d’en étudier les raisons et les origines.