Des années que je pense à le faire, mais que je n’ose pas le dire publiquement : je suis atteinte d’une maladie auto-immune, celle de Crohn (je vous laisse googliser pour connaître les symptômes, je n’ai pas prévu de donner ici l’historique de mon dossier médical)
.Car je ne voulais ni être une victime que l’on plaint et qui suscite la pitié des gens, ni être la connasse de malade qui gémit à longueur de journée, et encore moins la pauvre fille naïve dont on abuse aisément.
Alors je me suis tue, du moins je me suis tue, en public.
Bien souvent, j’ai regretté de l’avoir avoué aux mauvaises personnes, qui ont utilisé cette info comme une arme contre moi. A vrai dire, ces regrets n’ont jamais arrangé mes affaires, ils ont même empiré les choses.
« Tu es trop gentille »… « Tu penses trop aux autres et jamais à toi »… « Tu ne prends pas soin de toi »… « Tu es naïve »… « Tu ne sais pas te défendre….et un jour ça te tuera (rien que ça !) »
Ces remarques sont toutes bienveillantes. Pourtant, je les ai trop entendues, trop écoutées, mal accueillies.
Peut-être que ressentir les choses différemment de la norme, avoir des réflexes d’empathie, a créé cette maladie. La réalité, c’est que je l’ignore. Ce dont je suis certaine en revanche, c’est que ces caractéristiques de ma personne ont nourri un terrain déjà fertile pour le développement, les complications, et les risques d’aggravation de cette de maladie, puisque j’ai signé pour la perpétuité (n’en déplaise aux utopistes et autres adeptes de médecines occultes ou théories du complot, TOUTES les maladies auto-immunes sont incurables, sans exception)
Ce que j’ai appris désormais, c’est que cette empathie n’est pas mon problème, mais MA solution. Savoir écouter et comprendre les besoins des autres pour y répondre, c’est de l’énergie merveilleuse. Donner mille excuses aux autres vaut mieux que le moindre doute à leur égard. Donner sans jamais attendre de retour, accorder sa confiance spontanément et sans condition s’avère bien plus fructueux que ce que l’on veut bien croire. Le tout, c’est de savoir mettre cette énergie autant au service des autres que de soi.
L’erreur à ne pas commettre pour ma part, et ce qui a fait que cette énergie me consumait, c’était de laisser les autres me culpabiliser pour ce que j’étais, ce que je ressentais. Sans jamais me douter que je ne deviendrais pas meilleure en cherchant à nier ma nature profonde, mais en l’accueillant avec bienveillance pour prendre mes responsabilités et agir en conséquence.
Enfin, pour ce qui est du rapport dysfonctionnel de la société vis-à-vis de la maladie chronique, il faut savoir que :
Ce n’est pas la douleur physique le pire (il y a des solutions efficaces, et à force de résilience on finit par ne presque plus les ressentir)
Le pire (sans parler de l’exposition accrue aux violences médicales), c’est le sentiment d’inutilité et le fait de devoir rendre des comptes aux administrations ou pour satisfaire le voyeurisme indécent de certaines personnes trop curieuses. C’est le fait de devoir faire des performances spectaculaires de souffrance pour être cru (et ça ne suffit pas toujours !). S’il y a bien une chose que devrait nous apprendre la mort de Chadwick Boseman, c’est qu’on peut-être ultra-performant et BG, même en pleine chimio, sans que personne ne se doute de quoi que ce soit.
Lorsqu’on est malade chronique (et plus largement porteur de handicap), on vit dans l’inconfort permanent. Ce qui est naturel/normal/logique pour les personnes valides, peut s’avérer être un véritable sketch pour nous, même [surtout] quand ça ne se voit pas. La maladie/le handicap est avant toute chose, une véritable charge mentale.
Nous plaindre, c’est trop facile. C’est une excuse de la société pour nous refuser indirectement la place que l’on mérite.
Démarcher des malades qui n’ont rien demandé, avec des solutions plutôt bancales pour le coup, c’est relou. Donner des conseils utiles ou s’abstenir devrait être l’usage ET la règle.